Immortality is good.

Eternity is better.

La lune pâlit. Les rues ronflent. Pendant que moi ; je marche. Ennuyé de n'avoir qu'à me plaindre pour passer mes heures de solitude et de chasse infructueuse. Tête haute tel un soldat, un empereur ou un rêveur ; je guette chaque fenêtre de terre et de paille. Chaque coeur qui souffle son jus dans les veines d'une de mes potentielles victimes. J'écoute leurs chansons à ces âmes, ces ventricules et ces songes. Les torches éclairent bien des chemins, mais pas celui de ma cause. Ma toge est ensanglantée. Alors, je sens la déraison m'envahir plus que mes peines et mes désirs. Un humain. Un être de chair et de sang. J'ai faim. Mes pas s'accélèrent, tout silencieux qu'ils sont. Mes bras machinent quelques mouvements baladeurs. J'écrase mes principes, le pavé qui me porte, mes frontières. Maintenant que je cours, mes sens se précipitent. Comme le prédateur qui prend en chasse l'invisible de toutes ses forces, je m'envole. Pourvu que mes pieds ne touchent plus jamais terre ... Silence ! Oreilles, n'entendez vous pas ? Ce son. Mon nez, fidèle, ne sens tu pas cette présence ? Ce fumet ? Cette femme qui nous avoisine ? Il me semble que le monstre qui ma hante le fait. Mes yeux assoiffés, teintés de désespoir, cherchent sans trêve ni l'ombre d'un abandon l'esprit perdu dans la grotte du loup. Je suis au marché. Et les étalages me privent d'un point de vue avantageux sur ma proie. En cette mer obscure, le marin se désoriente. Privé de mes atouts de chasseur, la colère me ronge. Non. C'est catégorique. Il ne se passera plus une nuit de ma triste inexistence sans que je fasse plaisir au démon que je suis ! Les efforts que je fournis pour trouver ma chose sont finalement récompenser. Là-bas. Mon oeil reconnait l'ombre qui vit de celle qui décore. Et me revoilà partit. Suivant avec talent la souris qui sera mon fromage.
Je distingue enfin mon repas. Une jeune femme, au doux teint de sienne et d'ambre, vêtue de beige et de noir. Un accoutrement original pour quelqu'un qui sans doute se souhaite confondu avec les murs. Ses longs cheveux d'ébène dansent la beauté de la demoiselle. Puisqu'elle se retourna afin de vérifier si personne ne l'admire, je devine ses traits fins et majestueux, même à ceux d'une fleur tout juste éclose. Elle est belle, c'est vrai. Certainement pas autant que mon inavouable Calypso. Mais, je conçois qu'aux regards des hommes, elle eu don de leurs coeurs.
Après avoir tourné quelques cinq fois une clef dans une certaine serrure, la porte de sa cabane daigne maintenant ouvrir les portes du jardin secret de mon succulent festin. Sans broncher, toujours avec cet air de tigre aux abois, je reste à l'affût, ici, derrière mes courges et mes tomates. Dans mes projets, je programme de ne plus jamais me cacher aussi bas qu'un légume. Question d'honneur.
La femme entre. La porte grince. Avant de se refermer avec terreur. Car. Désormais. Nous sommes deux dans ce tas de ruines.

Elle tourne. Se détourne. Et contourne je ne sais quel ordure ménagère qui règne en ce lieu. Fantôme de la porte d'entrée, l'innocente ne me remarque qu'en tant que tel. Un sac d'herbes au bras. Je m'interroge ... Quel personnage romain serait capable de partir faire cueillette à une heure si tardive ? Vais je aspirer le flux de démence d'une enfant de Pluton ? Trop peu pour moi. Les Enfers en ont déjà trop fait pour ma petite personne !
Perdu dans mes pensées, je laisse le contrôle de ma monstruosité au hasard et malheureusement, celui-ci n'est que peu fiable : la femme passe devant moi et son odeur, si joliment cuisinée, vient en libérer les attributs. Sous le poids de l'épreuve, je manque de tomber à la renverse. Mais c'est un vase qui se sacrifie, attirant l'attention de la folle affranchie aux herbes. Puis. Tout va vite. Elle se retourne. Je passe devant elle aussi vite qu'elle ne tourna à nouveau la tête. Elle sursaute. Elle se coupe de sa serpe. Elle recule. Son pouls s'accélère. Tout. Tout m'incite à la traquer, à le torturer, à la priver de sa vie et de son sang. Et, cela fait bien longtemps que j'ai arrêter de lutter contre mon vampirisme. Alors, adieu belle demoiselle et adieu fines épices. Bonsoir Tobias le tueur.
Toujours dans un silence. Je m'avance un peu plus vers elle. Que la lune lui dévoile bien le sombre portrait de son assassin. Mon expression, d'un froideur pareil au marbre, envoie à son esprit une tempête d'ondes horrifiantes qui pourraient bien l'achever avant que j'ai commencer quoi que se soit. Quelques minutes s'écoulent durant lesquelles je l'admire dans toute sa terreur. Impuissante contre l'erreur que je suis, je savoure cet apéritif plus que mérité. Quand soudain, ma bouche me dessine un rictus. Ce petit sourire en coin que le sadique dévoile toujours avant son chef-d'oeuvre. Encore quelques secondes et puis peut être ...

C'est tellement adorable de ta part d'avoir ramené les herbes aromatiques ! ... Pour la peine, je ne te torturerai qu'une petite heure. Rien de plus. Et surtout : rien de moins ...