L'aube n'était pas encore là, mais déjà mes yeux s'ouvrirent. Recouverte des draps blancs et doux, je me tournai à ma gauche pour voir s'il était à mes côtés, mais il y avait que le vide. Je fixai soudain le plafond, me demandant pourquoi. Pourquoi n'était-il pas présent ? Pourquoi depuis trois nuits Niklaus ne m'avait pas rejoint dans notre lit ? Avant de me coucher, j'avais adressée à Aphrodite une prière pour qu'elle guide mon tendre amour vers moi. Mais de toute évidence, la Déesse n'avait pu entendre mon appel. Rarement je me levais si tôt, Hélios n'avait pas encore dressé son soleil et je me demandai comment le sommeil pourrait me revenir alors que mon esprit se languissait de Klaus. Tirant la couverture vers moi, je ne savais que faire désormais. Retourner dans les bras de Morphée m'était impossible et la faim n'était pas présente, puis je me souvins d'un matin comme celui-ci, où j'étais seule. L'aube naissait et j'avais eu l'idée de l'admirer depuis les jardins. Seulement la joie que je ressentais cette autre fois, ne m'habitait pas à cet instant, car mon questionnement sur Niklaus persistait toujours. Mais après un long moment de réflexion, je me décidai enfin à me lever. Quittant la douceur de notre couche je m'avançai vers la pièce suivante qui donnait sur notre penderie. Je ne pouvais décemment pas sortir en portant cette légère robe de nuit sur le dos, il m'en fallait une autre. Alors, en parcourant mes nombreuses tenues je trouvai ce qui fit mon bonheur. De couleur bleue claire, coloré sur la fin et légèrement blanche sur le haut, le voile bleu qui l'accompagnait était magnifique, il ne me restait plus qu'à me glisser à l'intérieur. Une fois la robe mise ainsi que le voile recouvrant mes épaules, je me dirigeai vers ma boîte à bijoux. Mon trésor, il contenait toutes les parures et bagues que je possédais depuis ma naissance, pas une ne manquait à l'appel et aujourd'hui je me décidai à mettre l'étincelant. Ce pendentif a une histoire, il me rappelle ma terre natale et la surprise du monde. J'avais six ans lorsque je l'acquis, mère et moi étions à Athènes et j'avais quittée sa surveillance pour toucher cette perle rare. Une légende raconte que le diamant, aussi brillant que le soleil, viendrait de l'Olympe et seule la plus pure des âmes pourrait la porter à son cou. Je n'ai nullement la prétention de prétendre une telle chose, mais la marchande de ce collier me l'avait donné, avant de hurler à mère et moi de partir sur le champ sans nous retourner. Lorsque je le porte, je ressens comme un apaisement, un bien-être non négligeable dont j'avais cruellement besoin en cet instant.

Je me regardai dans la glace, mettant mon diadème d'argent dont les pierres étaient aussi bleues que la mère Égée. Durant une seconde je restai là, les yeux river sur mon reflet et bien que mon habit était parfait, je ne pus décroché un sourire. Mon hypnose fut ensuite brisée par une lumière qui entra dans la pièce, l'aube se levait enfin. Sans attendre je me mis à marcher vers le grand arc. La place donnait sur le Circus Maximus et les bancs en pierre nous permettaient d'admirer l'horizon, ce qui était mon but. Parcourant les couloirs du Palais je ne croisai personne, étais-je réellement seule ? Une chose peu probable dans le Palatin, les esclaves se lèveraient certainement avec le soleil, ce qui serait dans leur intérêt. Et enfin j'arrivai à ma destination, prenant un instant pour admirer le lieu. C'était un paysage merveilleux, si beau que d'être seule dans ce monde m'aurait paru envisageable. D'un pas délicat je commençai à avancer, fixant l'horizon qui fut rapidement éclairé par la sphère orangé qu'était le soleil. Ne le quittant pas des yeux mes mains se rejoignaient au niveau de mon ventre alors que j'atteignis enfin le banc non loin des plantes verdoyantes du jardin. L'espace était grand et derrière moi se dressait le Palais, mais tout ce que je voyais, c'était la ville et les montagnes s'illuminant derrière elle. Un rayon vint subitement touché le sol sans m'atteindre, alors qu'une légère brise se mit à souffler, mouvant ma chevelure longue et bouclée. Je pris une forte inspiration en fermant les yeux, tâchant de m'oublier moi et mes pensées. Faire le vide et ne rien ressentir à part la beauté du moment, et surtout sa solitude apaisante.

Je redécouvrais le plaisir d'être sereine, pourtant je ne rêvais que de revoir Niklaus, ou bien quelqu'un d'autre. Il y avait tant de confusion en moi que cela finit par altérer ma raison, presque incapable de distinguer telle ou telle chose, de faire la différence entre elle. Alors qui verrais-je en premier aujourd'hui ? Mon époux ? Tobias ? La Déesse de l'amour se jouerait-elle de moi ? Encore une fois des questions, mais des questions si importantes que je ne pouvais les ignorer comme mon coeur le faisait.

Cette douce accalmie faisait à présent partie de moi, et je me délectais de sa saveur jusqu'à ce qu'elle retentisse. Cette voix, je la connaissais et le simple son qu'elle produisait fit trembler tout mon être. « Mon frère te cause donc tant d'ennui que cela ? » Tobias, c'était lui, le premier que je vis. Mon attention se porta immédiatement sur lui, après que mes yeux se soient ouverts. Sa posture fière et imposante attira un instant mon regard qui le considérait dans ses moindres détails. Des traits fins de son visage à la musculature de ses bras guerriers. Tobias fixait l'horizon, et je le fixai lui, ne vis plus que lui. Le souffle me manqua soudainement et j'inspirai un grand coup, avant de pointer de nouveau mon visage vers le Maximus. Ma bouche s'ouvrit et en sortit la réponse à sa question. « Son absence me cause de l'ennui..et je m'ennuie énormément. » Ma tête s'abaissa vers l'herbe qui gisait sous mes pieds, un air mélancolique et attristé s'emparant de moi. Mais curieusement cela ne dura pas plus longtemps, car de nouveau, je le regardai. Lui qui avait su percer les défenses de mon cœur pourtant voué à un autre. L'intensité de ses yeux lavait mon esprit de toutes pensés mise à part celles que je lui vouais. Et me prit soudain une vie, le toucher, être près de son être pour sentir son souffle sur moi. J'étais toujours assise sur le banc en marbre, alors que lui restait debout et je n'osai l'inviter à me rejoindre. Alors je restais là, émerveillée par sa présence qui restait toute fois mystérieuse. Que faisait-il là ? Si tôt dans la journée, et pourquoi être venu à moi ? Le temps me parut long tout à coup, car Tobias ne parlait pas. L'impatience liée à l'envie d'entendre sa voix se fit ressentir. Presque immobile, je ne désirais qu'un simple mot, ou même une lettre.